Référence: Dictionnaire de phraséologie : Dictionnaire d’expressions et locutions, Alain Rey et Sophie Chantreau, édité par Dictionnaire Le Robert (1989 1ère édition, régulièrement réédité).

Le concept de phraséologie est à nouveau défini :

« Il s’agit (dans ce dictionnaire) de phraséologie, c’est-à-dire d’un système de particularités expressives liées aux conditions sociales dans lesquelles la langue est actualisée, c’est-à-dire à des usages. Ceci recouvre deux aspects d’une même réalité, expression et locution étant très généralement employés comme deux synonymes. L’un et l’autre sont indispensables à l’idée courante, concrète, pratique que nous avons du langage.



Définition finale de l'unité phraséologique

Les unités phraséologiques sont des unités complexes mémorisées et reconnues par une communauté linguistique car elles présentent un certain degré de figement.

Figement et opacité.

Les notions de figement et d'opacité sont liées à celle de phraséologie. Elles reposent sur une métaphore qui traduit bien les deux facettes du phénomène linguistique en question : l’huile qui se fige et s’opacifie.

L'opacité empêche la compréhension immédiate, au pied de la lettre, du sens de la phraséologie.

Une unité phraséologique est figée et opaque.

- Le figement s’oppose à la fois à l’autonomie syntaxique et à l’autonomie sémantique. Une séquence figée ne peut subir les mêmes transformations syntaxiques qu’un syntagme libre.
Par exemple, on ne peut faire subir de transformations à l’expression « mettre les voiles » : les déterminants ne peuvent changer: sous peine de changer le sens, ou de donner un tour ironique à ses propos, on ne peut dire :*mettre quelques voiles
De même, "donner sa langue au chat" ne peut se transformer en *donner sa langue à quelques chats maigres, sauf avec l'intention stylistique de jouer avec le langage. Du point de vue sémantique, le sens de « mettre les voiles » ou "donner sa langue au chat" n’est pas la somme des sens de ses composants. Le sens est dit « non-compositionnel », donc opaque pour qui ne connaît pas l’expression.

Les dictionnaires présentent les mots et leurs différentes acceptions puis mentionnent les cas particuliers que sont les emplois dits figurés, les locutions dans lesquelles apparaît le mot.

Les linguistes se demandent si, dans l’usage réel, ce n’est pas l’inverse, si le mot n’est pas d’abord et toujours pris dans un réseau locutionnel, comme le suggère la façon dont l’enfant apprend sa langue maternelle, et la difficulté qu’à l’adulte à atteindre l’authenticité idiomatique dans une langue étrangère. Ce sont des séquences entières que le locuteur d’une langue mobilise dans son lexique mental.

Depuis quelques décennies, l’informatique a introduit une révolution dans ce domaine : les bases de données de grande ampleur et le traitement automatique des corpus, notamment avec des logiciels de concordances, étaient destinés à faciliter une description plus exacte et plus exhaustive de l’usage. Ils ont fait plus : l’outil a modifié la conception même que l’on avait de l’objet à analyser. Le fait, pour une unité lexicale d’apparaître de façon récurrente dans des séquences figées n’est pas un cas particulier mais la règle générale.




II - Collocation


Le terme de collocation (latin cum + locare, placer avec) désigne une situation de voisinage.

« On appelle collocation l’association habituelle d’un mot avec d’autres au sein de l’énoncé, abstraction faite des relations grammaticales existant entre ces mots : ainsi, les mots construction et construire, bien qu’appartenant à deux catégories grammaticales différentes, ont les mêmes collocations, c’est-à-dire qu’ils se rencontrent avec les mêmes mots. De même pain est en collocation avec frais, sec, blanc, etc. Les mots sont cooccurrents. » (Dubois, Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Larousse, 1994)

Référence : Dictionnaire de collocations : Dictionnaire des combinaisons de mots, collectif (Dominique Le Fur, Yaël Freund, Edouard Trouillez, Marie Dilger), Dictionnaires Le Robert, 2007 (recense 2600 mots-clés).

"Près de 162OOO combinaisons sont décrites, des plus libres (ex : grand débat, obtenir une aide) aux plus idiomatiques (ex : colère noire, comptes d’apothicaire). En revanche, les locutions figées (ex : avoir voix au chapitre) et les associations très ponctuelles pou sans intérêt (ex : diverses prévisions, nouvelles certitudes) ont été écartées. » (Préface)''

Exemples

Les collocations du mot "adversaire"

adjectifs : acharné, coriace, déclaré, déterminé, farouche, impitoyable, implacable, irréductible, redoutable
verbes : affronter, battre, broyer, déconsidérer, démasquer, démoniser, dénigrer, destabiliser, discréditer, écraser, éliminer, intimider, terrasser, vaincre. segment récurrent : ne pas ménager ses adversaires

Les collocations du mot "âge"

adjectifs : adulte, antédiluvien, avancé, canonique, indéfinissable, ingrat, minimum, mûr, respectable, précoce
verbes : accuser, paraître
segments récurrents : accuser les marques de l'âge, l'âge venant, approcher la limite d'âge, atteindre la limite d'âge, dame d'un âge mûr, respectable, dans la force de l'âge, être en avance sur son âge, mentir sur son âge, le poids de l'âge, la pyramide des âges, sans distinction d'âge, tranche d'âge.


III - Différences entre les unités phraséologiques (locutions idiomatiques) et les collocations


La différence principale tient à ce que l’association habituelle qui caractérise les collocations ne s’accompagne pas d’une opacification. Le sens, compositionnel, reste la somme des sens des constituants.

Leur figement syntaxique est également moins grand : alors que les expressions idiomatiques restent des blocs peu séparables, les collocations peuvent tout à fait être discontinues, par exemple quand elles impliquent un verbe et un nom qui est son sujet ou son complément.
ex : il affronte vaillamment un adversaire impitoyable, être très en avance sur son âge.

Les simples collocations, omniprésentes, tendent à passer inaperçues. Elles forment le tissu même de la langue. Leur emploi spontané représente le stade le plus avancé et le plus difficile à atteindre dans la maîtrise d’une langue étrangère.
Il existe en ligne un dictionnaire des collocations.