L’histoire de la démocratie espagnole commence à la mort de Franco, le 20 novembre 1975 ou plus exactement, le 22 novembre 1975, jour de la proclamation de Juan Carlos I roi d’Espagne par les Cortes. Grande était alors l’incertitude surl’avenir du pays.

« Il n’est pas d’Espagnol en âge de raisonner et de se souvenir qui ne se soit, à un moment ou à un autre interrogé sur le passage du franquisme à la démocratie. A mesure que les mois passaient, la surprise et l’étonnement faisaient place à l’espoir : sans bruit de bottes, sans grève générale, sans intervention extérieure, lentement, de lui-même, le régime se dissolvait. Au franquisme succédait la démocratie comme le réveil succède au sommeil. Cet après-franquisme, qui ne l’attendait ? Combien étaient morts dans l’aube grise de l’exil en rêvant de retours triomphants ? Vainqueurs ou vaincus, tous l’avaient attendu dans le désir et la crainte, ne sachant comment il surviendrait... »

(Goulemot Maeso, Maria, L’Espagne, de la mort de Franco à l’Europe des douze, Collection Voies de l’histoire, Paris, Editions Minerve, 1989)

L’Espagne traverse alors la période nommée la Transición, que l’on considère généralement comme terminée en octobre 1982 lors de la victoire socialiste aux élections législatives. Ce passage à la démocratie s’est fait par le consensus des forces politiques en présence et par la mise en place d’un nouveau système politico-juridique, dont la pièce maîtresse est la Constitution de 1978.

La Carta Magna, la « Grande Charte », comme la nomment les espagnols, est une des clefs du passage en douceur de l’Espagne de la dictature à la démocratie. Il ne se passe pas de jour sans que la presse ne rende compte de débats autour de la constitutionnalité de telle loi ou de telle décision gouvernementale ou de l’administration des autonomies. Sauvegarder leur Constitution et défendre l’Etat de droit n’est pas seulement une pose rhétorique ou une nécessité pour l’intégration économique de l’Espagne dans le camp des démocraties occidentales. C’est aussi une absolue nécessité pour ce pays dont la nouvelle organisation territoriale est l’occasion de conflits permanents autour des notions de souveraineté, d’Etat, d’Autonomies, et de compétences de l’un et des autres.

Les difficultés proprement linguistiques de la traduction juridique existent assurément, mais il ne faut pas les confondre avec les difficultés de la science juridique elle-même. Après examen attentif des textes, on n’y trouve un petit nombre de spécificités syntaxiques. Il est bien certain qu’il n’y a que dans les textes de lois espagnols que l’on rencontre le subjonctif futur, expression de l’éventualité dans le futur, avec une nuance d’improbabilité. Dans la Ley Orgánica del Código penal de 1995, à l’article 485.1, on trouve : « El que matare al Rey...será castigado ». L’éventualité est perçue comme tout-à-fait improbable. Si le texte disait « El que mate al Rey » l’éventualité serait envisageable, banale en quelque sorte. On retrouve dans Cervantes la même nuance d’improbabilité, à laquelle s’ajoute l’incrédulité : « si ella fuere de tanta hermosura como significáis, confesaremos la verdad ».

D’autres spécificités syntaxiques seront examinées tout au long de nos propositions de traduction.

L’impression d’étrangeté que le profane éprouve en lisant ces textes tient davantage à un vocabulaire et à des tournures lexicales, récurrents et d’autant mieux repérables, qu’à la syntaxe. Certaines de ces locutions ont apporté un réel enrichissement terminologique et conceptuel à la langue courante : elles sont apparues dans la spécialité juridique puis ont occupé le devant de la scène médiatique car elles sont l’affaire de tous, en Espagne. Comme par exemple les notions fondamentales de souveraineté nationale (soberanía nacional) et d’« Etat des Autonomies » (Estado de las Autonomías, o Estado Autonómico), compromis pragmatique (et difficile) entre l’Etat centralisé et le fédéralisme. Notions juridiques passées au coeur des préoccupations des espagnols car ils savent bien qu’il y va de la viabilité de leur système administratif, et, in fine, de la viabilité de l’Etat espagnol.